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Secret Sauces : Valérie Darmaillacq, l’art de mobiliser positivement

No Bullshit
(7 mins)
Dans ce 10ème épisode, nous avons eu le plaisir d’échanger avec Valérie Darmaillacq, directrice RSE chez SNCF Voyageurs, qui se mobilise chaque jour pour donner envie à 65 000 collaborateurs et à des millions de voyageurs d’agir pour la transition écologique.
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On entend cette phrase dès que l’on monte à bord d’un train : « merci d’avoir choisi le moyen de transport le plus écologique ». Comment faites-vous pour aller plus loin dans la démarche ? Pour ne pas vous reposer sur vos acquis ?

C’est toute l'ambiguïté de notre communication et l’enjeu de mon métier.
À la SNCF, on a un produit qui par la manière dont il est conçu, notamment le fait qu’il fonctionne essentiellement grâce à l’énergie électrique verte et que c’est un transport collectif, est vertueux. Pour autant, nous avons encore beaucoup de choses à faire pour réduire notre empreinte. On reste par exemple le premier consommateur d’électricité en France, la sobriété énergétique est un défi majeur pour nous.
Par ailleurs, notre impact ne se mesure pas qu’en émissions de carbone ou en consommation d’énergie. On est une société industrielle, développer l’usage du train bas carbone est notre principale contribution mais être exigeant dans sa phase de construction et sa maintenance est aussi notre responsabilité. Nous devons avoir une vision globale sur tout le cycle de vie de nos trains, sur nos offres complémentaires également.

L’enjeu est donc de réussir à impliquer chaque maillon de l’entreprise dans votre stratégie RSE ?

En effet, c'est un enjeu de taille et quelque chose qui prend du temps.
En France, le train est plus écologique que l’avion et la voiture (c’est en moyenne 90% d’émissions de CO2 en moins qu’un voyage équivalent par la route ou par les airs). Pourtant, ce qui est une évidence factuelle dans les chiffres n’est pas forcément un élément transformateur. Autrement dit, ce n’est pas avec ce simple chiffre que l’on va réussir à enclencher le déclic et donner envie aux 65 000 collaborateurs du groupe de suivre la dynamique. Pour moi, cela passe par de multiples actions, à tous les niveaux.

Pouvez-vous nous parler d'une action mise en place qui a permis de mobiliser vos collaborateurs ?

Parlons de la fameuse phrase évoquée au début de notre échange : « merci d’avoir choisi le moyen de transport le plus écologique ».
Il y a 5 ans, on faisait peu de communication client sur la dimension écologique. À cette époque, on parlait plutôt d’innovation, de technologie, de nos futurs TGV. Cette approche a changé il y a environ 2 ans. On a réalisé que des millions de personnes voyageaient dans nos trains et que c’était une belle opportunité de faire passer des messages forts. On a donc analysé l’expérience client pour voir ce que l’on pouvait ajuster et à quels niveaux. Il se trouve que quand on voyage, on croise pas mal d'agents et notamment le chef de bord.
C’est lui qui communique directement avec les voyageurs et utilise désormais la fameuse phrase. Mais ce changement, on ne pouvait pas leur imposer. Il fallait qu’ils aient envie de le faire. Pour ça, il fallait leur expliquer la démarche et leur permettre de la comprendre. Ça s’est fait via des e-learnings (avec un tronc commun et via notre campagne interne “parler green sans rougir”). On voulait leur montrer que 1/ les chiffres n’étaient pas sortis du chapeau et 2/ que ce n’était pas rien. Le transport c’est ⅓ du bilan carbone de la France et le train représente 0,6% de ces émissions pour 10% de l’emport de passagers. Le train est le moyen de réconcilier la mobilité et la préservation de notre environnement ! On peut changer les choses et ça passe par la sensibilisation.
Campagne interne SNCF
Le train est le moyen de réconcilier la mobilité et la préservation de notre environnement ! On peut changer les choses et ça passe par la sensibilisation.

Quels ont été les résultats de ces formations ?

Au début, seuls quelques chefs de bord convaincus se sont emparés du sujet. Puis, cela a pris de l’ampleur. Nous avons filmé et partagé des réactions de voyageurs à l’écoute de cette annonce, organisé des challenges sur des plateformes d’engagement d’équipe ou des lignes, des axes se sont mobilisés. Aujourd’hui, ils sont plus de 80% à mentionner ce point lors de l’annonce dans le train. Ces 6 derniers mois, le chiffre a doublé.

Avez-vous perçu un impact côté voyageurs dans le fait de choisir le train plutôt qu’un autre mode de transport (avion, voiture, etc.) ?

Quand on demande aux voyageurs s'ils ont « considéré l’impact dans le choix du moyen de transport », presque 80% disent que c’est en effet un point important. En revanche, quand on leur demande si cela a été décisif dans leur choix, le résultat est moins positif. Le critère est à la toute fin, après le prix, la praticité, le temps de trajet, etc. Nous avons encore à faire à ce niveau là pour que l’atout environnemental pèse et fasse préférer le train dès qu’on le peut, que cela soit une alternative désirable.
On ne peut pas tout faire en train mais on peut faire beaucoup de trajets. Nos offres s’adaptent pour répondre à ce voyage responsable en émergence, à travers l’Europe, de jour comme de nuit, c’est à nous de développer le champ des possibles en train..

Avez-vous constaté un changement dans la perception de la marque par les voyageurs après l'introduction de cette sensibilisation ?

On a analysé les réactions voyageurs, elles étaient très positives, on a aussi constaté que ça permettait de créer du lien. Au début, il y avait une crainte de la part des chefs de bord sur le fait d’être capable de répondre aux questions des voyageurs (sur le nucléaire, sur l’impact carbone et autres). On leur a fourni suffisamment d’éléments de réponse pour qu’ils puissent être à l’aise. C’est maintenant devenu une force.
Après, on a parlé ici d’une simple mention à bord des trains, mais on pourrait parler d’exemples plus concrets comme le programme « Junior & Cie ».
Le programme « Junior & Cie »

Quels ont été les changements opérés par exemple sur ce programme ?

C’est le service qui permet de faire voyager les enfants en train encadrés par nos accompagnateurs. On a totalement repensé la façon d’occuper les enfants à bord. En collaboration avec la Fondation GoodPlanet, on a imaginé des jeux éco-conçus qui permettent d’éveiller les enfants aux bonnes pratiques écologiques. Un autre point est celui de la casquette, fort utile pour les repérer. Avant, on en offrait automatiquement une pour chaque voyage, on leur propose désormais de revenir avec la prochaine fois qu’ils utiliseront nos services.
Cela peut paraître anecdotique mais c’est la somme de toutes ces actions qui, appliquées à grande échelle, ont un impact et donnent de la cohérence à nos engagements.

Vous avez l’air d’aborder le sujet de la transition avec un angle toujours positif. Est-ce un parti pris ?

C’est une conviction personnelle et en effet un parti pris dans mon approche professionnelle. On a constaté que quand on est donneur de leçon, alertant, ça pouvait faire réagir certains (et encore) mais que c’était rarement engageant. Je crois beaucoup à l’envie, la logique, le sens. Pour que le changement soit pérenne, il doit se faire avec plaisir. Quand c’est vu comme une contrainte, ça ne tient jamais longtemps. Essayer de convaincre ne marche pas, il faut donner envie.

On a évoqué les collaborateurs et les voyageurs. Mettez-vous également en place des actions pour accompagner les entreprises sur le sujet mobilité ?

Oui, nous avons des équipes dédiées. Nous accompagnons nos partenaires dans la définition d'une politique de voyage plus ambitieuse d’un point de vue écologique. La branche TGV-Intercités a également créé le "Grand Prix l’Écomobilité".

Pouvez-vous nous en dire plus ?

Il s’agit de solliciter les entreprises et les agences de voyage pour leur demander quelles ont été les initiatives mises en place pour réduire l’impact carbone mobilité de leurs clients. Ce projet nous permet d’identifier des actions intéressantes, de leur donner de la visibilité et surtout de permettre à d’autres entreprises de les découvrir et les mettre en place à leur tour. La deuxième édition a eu lieu il y a quelques jours. On a par exemple découvert que l’agence Amplitude Business Travel allait mettre en place une prime de 200€/an pour les salariés qui font les trajets domicile-travail à vélo. L’entreprise C-Ways s’est aussi illustrée positivement. Depuis le 1er janvier 2024, elle propose des congés supplémentaires aux collaborateurs choisissant le train pour leurs voyages personnels. C'est ensemble que nous pourrons faire bouger les choses.
Les Grand Prix l’Écomobilité, par SNCF Voyageurs

Pour terminer cet entretien, qu’est ce que vous rêveriez de faire avancer dans les années à venir ?

J’aimerais accélérer nos études et travaux sur l’adaptation, pour garantir la résilience du train au changement climatique des années à venir ; nous y travaillons avec un programme qui touche tout le groupe et tous les acteurs, de l’infrastructure à l’expérience clients.
On parle beaucoup de l’aspect “réduction des émissions et sobriété” mais la notion d’adaptation est aussi essentielle : ce n’est pas de la clairvoyance, c’est factuel. Pour une entreprise comme la nôtre, c’est même structurant. Il s’agit de garantir notre résilience climatique dès maintenant et en nous projetant à 2050, avec peu de données et une conscience des risques imparfaites. C’est un défi ! L’enjeu est de regarder en face nos vulnérabilités actuelles et futures, de travailler sur la mise en place d’un catalogue de solutions à l’échelle locale (protection de nos bâtiments, ajustement de nos process, des métiers, adaptation du matériel roulant…). Si l’adaptation est l’histoire de la vie, nul doute qu’elle va aussi s’inscrire dans la stratégie des entreprises connectées à leur environnement. Sujet émergent et déterminant.
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