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Secret Sauces : Gaëlle Le Vu, Agir puis communiquer, et pas l'inverse

No Bullshit
(8 mins)
Cette interview vous est présentée dans le cadre de “No Bullshit”, le média lancé par Captain Cause. Son ambition ? Être un shot d'inspiration pour mettre en avant les (bons) exemples des marques de demain !
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Dans ce 9ème épisode de No Bullshit, on a eu le plaisir d’échanger avec Gaëlle Le Vu, Directrice de la Communication de Orange France, et personnalité pionnière de l’engagement en entreprise.

Orange est une entreprise incontournable des télécommunications. C’est aussi une marque qui se positionne fortement sur les enjeux de société (diversité et inclusion, sport, éco gestes, etc.). Pourquoi ce choix ?

Depuis le début, on a eu la volonté de dissocier la RSE et la communication.
Souvent dans les entreprises, les deux pôles sont liés et ça interroge. Les enjeux RSE doivent avant tout reposer sur du fond, de l’action, avant de devenir des sujets de communication. Ce sont donc deux choses à la fois très différentes mais aussi complémentaires. Pour nous, l’enjeu était de partir de la RSE et de nos convictions profondes. La base était donc de travailler sur ces sujets sur lesquels on avait envie d’avoir un impact à l’échelle sociétale. On a choisi d'aller sur 3 piliers : inclusion numérique, diversité, net zéro carbone. Et sur chaque point, on y va à fond.

Tous ces piliers, vous semblez les incarner via d'importantes actions de sponsoring. Comment associer sponsoring et engagement ?

Le sponsoring est en effet un élément phare de notre stratégie.
Nous sponsorisons par exemple le sport (foot, rugby, Tour de France, etc.). Cette démarche continue nous a permis de construire plusieurs choses : une belle communauté, un lien de proximité avec notre audience, une légitimité et une confiance vis-à-vis de nos cibles. Partant de ce constat, on avait envie d’aller plus loin. On voulait utiliser ce levier pour être utile et avoir un impact. On voulait un sponsoring utile et moins futile.
On a donc commencé par décliner nos programmes RSE sous la forme d’ateliers proposés aux fédérations de foot et de rugby. On a aussi imaginé une panoplie de jeux et activations qui pouvaient être utilisés clés en main par nos partenaires (le programme “passe en mode ballon”, un sac à dos escape game, etc.). Avec cette démarche, on donnait les moyens à notre réseau de rejoindre le mouvement que l’on avait enclenché.

Vous avez réalisé un coup de maître avec la campagne “Orange soutient les bleues”, que l’on a vu absolument partout. Pouvez-vous nous raconter la démarche derrière cette campagne ?

Étant sponsor du foot depuis longtemps et sensible aux enjeux d’inclusion, on avait à cœur de donner de la visibilité à l’équipe de France féminine, souvent trop reléguée au second plan.
Pour y parvenir, on a d’abord analysé l’audience et les retours les plus courants. Le constat était frappant : les audiences pour un match de l’équipe de France de football féminine étaient presque 5 fois inférieures par rapport à celles de leurs homologues masculins (pour un match diffusé à une heure de grande écoute sur une chaîne nationale). Il y avait aussi toute une communauté de fans de foot qui disaient « c’est moins intéressant », « c’est moins technique ». On les a pris à leur propre jeu.
Pour leur répondre de manière choc, on est allés sur leur terrain de jeu. On a twisté un format incontournable : « les moments forts ». Une vidéo courte qui reprend les actions principales d’un match. Sauf qu’on a un peu truqué les choses… Et pour cela, on a mis les joueurs de l’équipe de football masculine dans la combine. Ils ont accepté que l’on utilise leur image. Dans cette vidéo, on voit les moments forts de ce qui semble être l’équipe de football masculine. Sauf qu’à la moitié de la vidéo, un message explique que les images ont été truquées. Ce que l’on voit, c’est en fait l’équipe de france de football féminine. Les visages des filles avaient été remplacées par ceux des garçons grâce à l’IA. La vidéo était très crédible et le résultat a dépassé toutes nos attentes.

Quelles ont été les retombées de cette campagne ?

On a mis la vidéo sur les réseaux sociaux avec un peu de média et 2 ou 3 relais via des influenceurs. Très rapidement, ça a buzzé. Il y a eu plus de 2 milliards d’impressions et dans la foulée 450 retombées presse dans 91 pays. Cette vidéo nous a permis de faire passer un message fort sur les à priori, les idées reçues qu’il faut dépasser. Cela a aussi permis d’obtenir une forte visibilité et une image perçue comme très positive en interne comme en externe.
Certains collaborateurs nous ont d’ailleurs demandé pourquoi nous n’avions pas fait le choix de relayer la vidéo sous la forme de publicité à la TV. On leur a expliqué que la démarche était que le fond prime. C’est le message et l’impact de la vidéo qui nous a permis de passer en organique par exemple au 20h de TF1. Le combo magique.

Pour la réalisation de cette campagne, vous avez aussi utilisé l’intelligence artificielle. Quel a été le poids de cette technologie dans la réussite du projet ?

La technologie nous a permis de créer une vidéo crédible… et de berner notre audience. C’était toute la magie de cette opération. Ce travail a d’ailleurs été l'œuvre de notre agence Marcel. En revanche, le fait d’utiliser l’IA n’était pas une fin en soi. C’était un moyen pour faire passer un message qui nous importait. Par contre, cela a aussi permis de manière indirecte de mettre en lumière les usages des nouvelles technologies. Elles peuvent être utilisées de manière positive comme négative. Il est important de rester vigilant et d’utiliser les technologies dans le bon sens.

Avec cette campagne, pour ne citer que celle-ci, vous semblez incarner vous-même l’action que vous prônez. Dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit. Est-ce une réalité ?

Tout à fait. Via nos différentes actions, nous voulons agir pour des causes spécifiques et inviter notre audience à en faire de même. À chaque projet, on garde en tête l’importance d’avoir du concret. Des chiffres. Des avancées. On n’est plus dans les déclarations, dans de l'abstrait, c’est dépassé. En tant que marque, c’est important d’avoir une sincérité, des éléments à mettre en face. C’est d’ailleurs un élément parfois frustrant. Dans le domaine de la communication, on a souvent envie de communiquer vite sur les belles choses entreprises en interne, notamment par le pôle RSE. Pourtant, on se freine. On attend toujours d’avoir des résultats et des choses objectives à avancer. C’est je pense un élément essentiel pour être cohérent et créer la confiance.
On n’est plus dans les déclarations, dans de l'abstrait, c’est dépassé.

On a aussi la sensation que vous avez réussi à créer une vraie proximité avec votre audience, ce qui est souvent complexe pour une marque de cette ampleur. Est-ce vrai et si oui, comment avez-vous fait ?

Exactement ! Et encore une fois, ça s’est fait par de l’action. Reprenons l’exemple de l’univers sportif et du football plus spécifiquement.
Cela fait 20 ans que l’on est sponsors du foot. Cette démarche sur le long terme nous a permis d’acquérir une certaine crédibilité vis-à-vis des acteurs clés du domaine mais aussi du public. Il nous manquait pourtant encore quelque chose. On voulait aller au plus proche de chaque pratiquant de cette discipline. Ne pas viser uniquement l’élite mais le plus grand nombre. On est ainsi sortis de la Ligue 1 pour aller vers le foot amateur. Ça change la perspective. Comme je l’évoquais avant, on a multiplié les actions sur tout le territoire et via les clubs amateurs.

Très intéressant. Et si on sort de l’univers du football, sur quels autres terrains Orange a-t-il décidé de s'engager ?

Pour vous donner un autre exemple, on a aussi lancé un programme autour de l’entrepreneuriat au féminin. Le nom de code ? 100 femmes entrepreneuses.
À travers cette démarche, l’objectif était de pouvoir accompagner des femmes partout en France qui veulent se lancer et créer leur projet. Notre constat était simple. C’est encore trop souvent à elles de s’adapter (process, programmes d’incubation, déplacements à Paris, etc.) alors que cela devrait être l’inverse. C’est ce que l’on a voulu faire. On leur demande ce dont elles ont besoin et on fait au mieux pour les aider (locaux, se confronter aux clients, accéder aux conseils d’un juriste, communication, stand Orange à Vivatech, presse, etc.). Orange a la chance d’être partout. Nous avons une multitude de compétences et de leviers, nous leur mettons à disposition.
Aujourd’hui, en 6 éditions, nous avons accompagné et créé un réseau de plus de 600 femmes entrepreneures.

Si on revient sur l’enjeu du numérique et l’aspect relation aux écrans, qui monte dans l’actualité, quel est votre positionnement ?

Le numérique est au cœur de notre activité. Nous avons trois enjeux à différents niveaux.
Le premier est de proposer un accès au très haut débit partout en France. Aujourd’hui, 90% de la population est éligible à la fibre. Il nous reste donc encore 10%.
Le deuxième point est l’aspect économique. Nous avons développé une offre sociale (“coup de pouce”). Celle-ci est conditionnée à un certain niveau de revenus et permet d’accéder à un abonnement triple play ADSL ou fibre à un prix accessible ainsi qu’à d’autres avantages (un PC pas cher avec un échelonnement, des ateliers pour apprendre à utiliser la technologie, etc.). Pour les ateliers, ce sont d’ailleurs des salariés Orange qui les dispensent un peu partout en France. Nous allons même dans des Ehpad.
Le troisième point est la sensibilisation et la pédagogie. Nous voulons permettre à tous d’accéder au numérique et de le comprendre. Pour cela, on a par exemple créé un atelier “temps des écrans” (à destination des parents) avec des bonnes pratiques sur le fait de limiter le temps d’écran. On travaille aussi beaucoup avec le 3018 (une association qui protège face au cyber harcèlement).

Puisque l’on a parlé de sport et que les JO approchent, on se devait de vous poser une question sur le sujet. Quels sont vos enjeux en tant que marque partenaire de cet évènement ?

L’enjeu est avant tout technique. Notre mission est d’assurer la retransmission des compétitions dans le monde entier ainsi que le bon fonctionnement des réseaux en ligne pour la billetterie d’entrée. C’est une responsabilité énorme mais aussi une très belle vitrine pour montrer notre compétence. Il me semble qu’au Japon, il devait y avoir 4 ou 5 opérateurs. Là, on est tout seuls.
Ensuite, au-delà de cette dimension technique, on avait la volonté de regarder l’héritage autour des réseaux que cet évènement allait générer. On tenait à ce que ce ne soit pas qu’un one shot. Comment on lègue quelque chose de positif pour les citoyens français ? On a aussi travaillé sur l’empreinte environnementale. Le CIO regardait d’ailleurs ce point de très près. Enfin, notre envie est aussi de véhiculer les valeurs du sport à grande échelle… y compris en interne. Les équipes techniques qui s’occupent de cet évènement sont préparées comme des athlètes, avec des coachs, pour évacuer le stress. C’est un évènement unique qui va nous permettre d’incarner de manière concrète notre volonté : sortir des préjugés et construire un monde plus positif.
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